soi-même et les Autres
par Kyabjé Dilgo Kyentsé Rinpoché
Le bonheur des Autres devrait nous importer au moins autant que le nôtre. De la même manière, nous devrions formuler le souhait que tous les êtres sensibles, et nous-mêmes aussi, puissent s’affranchir de la souffrance.
Ce vœu pourrait se formuler ainsi :
« Puissent toutes les créatures vivantes trouver le bonheur et les causes de ce bonheur. Puissent-elles être délivrées de la souffrance et de ce qui en est la cause. Puissent-elles jouir d’une félicité durable à l’abri de la souffrance. Puissent-elles vivre en toute équanimité, sans attachement ou haine d’aucune sorte, animées d’un amour dirigé vers tous sans discrimination. »
Faire preuve d’un amour débordant et d’une compassion à toute épreuve à l’égard de tous les êtres sensibles : voilà le meilleur moyen de réaliser le vœu le plus cher des Bouddhas et des Bodhisattvas. Même si, pour l’instant, vous ne pouvez aider quelqu’un, méditez sans relâche sur l’amour et la compassion jusqu’à ce qu’ils deviennent parties intégrantes de votre propre esprit.
Rappelez-vous toujours que la progression de votre pratique spirituelle n’a de sens que si elle s’opère pour le bénéfice des Autres. Soyez humble et gardez en mémoire que tous vos efforts restent des jeux d’enfants comparativement à la vastitude et à l’activité infinies des Bodhisattvas. À l’instar de parents attentionnés envers leurs enfants chéris, n’allez jamais croire que vous en avez trop fait ou assez pour les Autres. Même si vous parvenez à conduire toutes les créatures vivantes à la bouddhéité parfaite, pensez simplement que vous avez réalisé tous vos souhaits. En toutes circonstances, vous ne devez avoir aucune attente ou escompter quelque bénéfice que ce soit en retour.
Surmonter l’attachement à l’ego et se mettre au service des Autres : voilà l’essence même de la pratique des Bodhisattvas. Celle-ci prend sa source dans l’esprit lui-même et non à travers la perception que d’Autres peuvent avoir des gestes que l’on pose. La véritable générosité procède du non-attachement, de l’absence de désir qui représente la discipline ultime ainsi que d’une patience authentique qui se traduit par l’absence de haine. Les Bodhisattvas sont capables de se départir de leur royaume, de leur corps et des possessions qu’ils chérissent le plus, parce qu’ils sont parvenus à surpasser leur pauvreté intérieure en étant inconditionnellement disponibles aux Autres.
L’Autre n’est pas plus important que nous,
mais si nous ne le considérions pas comme plus important que nous,
nous ne pourrions jamais connaître le bonheur sans contraire.